Pourquoi c’est si difficile de faire un JdR anime/manga

Avant de commence mon joli discours, les premiers tests pour SNAFU sont prometteurs. J’espère vous donner du neuf bientôt. Mais pour l’instant, préoccupons-nous de ce qui me tourmente depuis si longtemps : pourquoi c’est si difficile de faire un JdR anime/manga ?

Et bien tout d’abord, et c’est l’évidence même, les anime et les manga ne sont pas un genre, contrairement au space-opera et au fantastique, et qui plus est il s’agit de média principalement visuels. En effet, ce qui attire en premier lieu dans un anime ou un manga, c’est le côté esthétique, que ce soit un design particulier ou juste la mise en scène qui met en valeur les scènes importantes. Bref, on voit vraiment que l’on est pas en train de lire un comic américain ou une BD franco-belge.

Mais, les vrai fans d’anime et de manga vous diront aussi qu’ils suivent une structure narrative bien à eux, qui est plus proche du théâtre kabuki que de la structure en trois actes (Exposition – Confrontation – Résolution) des films hollywoodiens. Et c’est sans compter les innombrables différences culturelles qui donnent un certain cachet au récit.

Bien sûr, les JdR inspirés d’anime et de manga, ce n’est pas nouveau et il existe de nombreuses approches qui ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients.

L’approche la plus classique est de fournir au MJ un système suffisamment complet pour gérer les capacités des héros populaires (Goku, Sailor Moon, Naruto,…) et les inévitables mecha, d’habiller le tout de dessins façon manga et d’ajouter quelques règles « pour faire anime », comme la massue de Laura/Kaori, les saignements de nez, ou les combos en combat. BESM est le grand-papa de cette catégorie, et on peut aussi y rajouter OVA et le supplément Mecha & Manga pour Mutants & Masterminds. Ils ont l’avantage de permettre aux joueurs de créer des personnages très détaillés, et généralement dans le ton, mais le MJ doit se débrouiller tout seul pour créer l’ambiance appropriée et faire des aventures qui ont la saveur d’un bon anime. Et quand la sauce ne prend pas, on a plus l’impression de jouer à une drôle de version de GURPS, et souvent sans saveur.

Les JdR récents préfèrent donc comme approche d’adapter un genre particulier d’anime/manga et de le faire bien, comme MECHA pour les histoires à la Macross ou à la Gundam, Bliss Stage pour faire du Evangelion, ou bien Shonen Final Burst pour les manga de baston. La création de personnage peut être aussi simple ou aussi compliquée que nécessaire, mais les règles sont écrites de façon à prendre le MJ par la main pour construire des récits proches du thème abordé. Leur principal défaut, c’est que le MJ devra tordre, si ce n’est réécrire, les règles s’il veut sortir des sentiers battus, sans oublier qu’ils forcent parfois la main aux joueurs en utilisant une structure rigide pour le déroulement de la partie. Par contre, lorsque tous les joueurs y mettent du leur, ça marche comme sur des roulettes.

Quand on regarde les quelques JdR japonais qui ont été traduis en français ou en anglais, on en a de très classiques, d’autres moins et surtout des jeux qui sont à mi-chemin entre les deux approches ci-dessus. Si je prends comme exemple Tenra Basho Zero et Double Cross, les deux utilisent un système de jeu classique, relativement générique, ainsi que des trames de scénario très structurées et des règles spécifiques pour encourager le mélodrame et un style de jeu allant crescendo où chaque session se termine en point d’orgue (généralement le combat final contre un boss). Double Cross utilise ainsi le taux d’infection d’un PJ pour lui débloquer ses pouvoirs les plus puissants, avec ses relations qui lui permettent de redevenir humain s’il franchit la limite ; alors que TBZ a son cycle Aiki/Kiai/Karma où les points gagnés par un bon roleplay sont sublimés par les Passions qui le lient au monde pour en faire des points d’héroïsme indispensables, et ces mêmes Passions permettent également d’éliminer son mauvais karma pour éviter de passer du côté obscur. Le récit s’écrit alors presque tout seul, à condition que les PJs s’investissent vraiment dans l’histoire et leur personnage. Le MJ doit aussi avoir une bonne notion du rythme de la partie s’il veut que les challenges rencontrés par les PJs restent intéressants.

Donc pour résumer, les trois approches les plus courantes sont : le système universel maquillé pour qu’il ne fasse pas trop générique, le système hyper-spécifique qui ne plaira pas à tout le monde, et le système plutôt classique à première vue mais avec des outils narratifs bien foutus qui nécessitent que les joueurs soient investis un minimum pour que ça marche.

Personnellement, je suis quelque part entre les deux dernières approches, même si les première versions de KOMA lorgnent vers le système universel. De même, The Farther You Fall est une tentative de créer un JdR suivant la tendance hyper-spécifique structurée, mais elle n’allait pas assez loin (pas assez de structure pour le jeu en campagne). Mais je m’égare…

Pour conclure, le problème principal d’adapter un manga ou anime en JdR, c’est de traduire un médium visuel en quelque chose qui reste intéressant lorsque l’on utilise juste son imagination, tout en donnant les outils au MJ pour lui faciliter la création du récit, que ce soit par des règles qui génèrent spontanément une « ambiance » manga, ou un moyen qui permet de garder le bon rythme de narration. C’est très facile de s’y casser les dents, soit en en faisant trop peu, ou en voulant faire trop bien, et le résultat de toute façon ne plaira pas à tout le monde. Mais ce n’est pas une raison pour se décourager !

Je vous laisse méditer sur ces belles paroles et on se revoit approximativement dans 15 jours pour reparler de SNAFU.

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